Senem Diyici peint comme elle chante et chante comme elle respire.
la couleur; sa technique ne permet pas plus les repentirs que l’aquarelle. Ses œuvres ne sont pas nommées, un titre les réduirait et les enfermerait, Senem veut que le spectateur soit libre et entre dans ses auberges espagnoles. Voyage cosmique, dans les abîmes tumultueux ou apaisés de l’univers, diront les uns ; voyage biologique, au cœur de la cellule, aux origines tortueuses de la vie, diront les autres. Macrocosmes ? Microcosmes ? Ces œuvres sont sans échelle, comme le sont les œuvres parfaitement composées.
J’ai le souvenir d’un récital de Senem où les mélodies traditionnelles, venues d’Arménie, d’Anatolie et d’Azerbaïdjan, s’enchaînaient en une longue prière aux modulations infinies et subtiles, du souffle et du murmure au cri. Il en naissait une impression bouleversante de fragilité et de force mêlées qui vous menait au bord des larmes. Une fragilité et une force qu’on retrouve dans les œuvres peintes de Senem qui sont, sinon une prière, une longue méditation sur le monde et, en ce sens fort, oui, des œuvres cosmiques. Senem peint comme elle chante, comme elle est. Et si tous ces tableaux n’étaient que des autoportraits ? S’ils étaient un voyage au cœur de Senem ? Avant de disparaître peintre méconnu, son père, par désespoir, brûla tous ses tableaux. Senem n’aura pas à brûler ses tableaux.
Jean Pierre Verdet, Astrophysicien.